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Harcèlement scolaire : « C’est très difficile pour toute la famille »

 

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Insultes au quotidien, perte totale de confiance en elle, Anissa, 11 ans, est victime de harcèlement scolaire. Depuis un mois, la petite fille et sa famille sont accueillis dans un lieu pilote en France, « La Maison de Marion ».

« La Maison de Marion », du nom de cette collégienne de 13 ans victime de harcèlement et qui s’était pendue en 2013, aide les enfants et leur famille © Radio France / Sonia Princet

« La Maison de Marion », du nom de cette collégienne de 13 ans victime de harcèlement elle aussi, qui s’était pendue en 2013, est un lieu d’écoute à Orsay, près de Paris, qui permet de soulager les victimes et leur entourage. Le harcèlement scolaire touche un élève sur 10 et affecte toute la famille de l’enfant.

« Anissa ne dort plus, elle ne mange pas bien, explique sa maman. Ça fait trois ans qu’elle subit le harcèlement et c’est très, très difficile pour toute la famille ». Mais depuis le mois de décembre, tous les mercredis après-midi, Anissa a rendez-vous avec une psychologue à « La maison de Marion ». Elle vient avec sa sœur Sara et ses parents. Pendant que la petite fille part de son côté avec une professionnelle, la famille est également prise en charge. C’est Souad Cousinier, psychologue bénévole, qui les accueille dans une grande salle, très lumineuse. Elle demande aux parents « À quel même moment avez-vous pu voir la situation ? Quand vous êtes-vous rendus compte qu’elle a été harcelée ? »

La maman se lance. « Ça a commencé déjà en primaire, en CM1, mais on ne s’est rendu compte de rien. C’est vrai qu’Anissa ne mangeait pas bien, faisait des crises de colère, pleurait pour un rien, elle ne dormait pas du tout et on a trouvé une lettre, où elle écrivait qu’elle souffrait. La phrase qui m’a frappée c’est qu’elle disait qu’elle ne servait plus à rien ici. Et là, j’ai eu peur parce que ce sont des mots très, très forts… »

« Je ne dors plus »

Depuis trois ans, cette maman a peur pour sa fille. Les parents ont fait des démarches auprès de l’école mais n’ont jamais été pris au sérieux. Le harcèlement n’a fait qu’empirer, au point qu’Anissa ne voulait plus aller en classe ces derniers jours. Sa maman ne sait plus quoi faire. « Je ne dors plus… c’est simple, je suis insomniaque. Je vois que ça s’arrête pas », dit-elle dans un sanglot. « Je ne vais bien du tout », souffle-t-elle, incapable de poursuivre. Le papa prend le relais et explique que la situation vécue par Anissa rejaillit sur toute la famille : « Avant les fêtes de Noël, on ne parlait que de ça à table. Il fallait bien qu’on en parle mais ça énervait tout le monde, les frères, les sœurs… »

Autour de la table, Sara ne dit rien depuis le début de la séance. Sœur jumelle d’Anissa, elle est témoin direct du harcèlement. Elle sort de son silence : « Quand Anissa essaie de parler, on dirait qu’on ne l’écoute pas. J’essaie de lui dire que ça va aller mais ce n’est pas facile ». La maman renchérit : « Elle est aussi très affectée parce que c’est sa sœur jumelle. Elle est constamment en train de la surveiller, pour savoir si tout se passe bien, elle est là, à la rassurer, même à la maison ». Pour la psychologue, ce n’est pas à Sara de prendre la défense de sa sœur, parce qu’elle est aussi victime.

À « La Maison de Marion », Sara va pouvoir aussi être suivie « pour parler un petit peu de ce qu’elle vit au travers de l’histoire de sa sœur », propose Souad Cousinier.

« Ma famille est triste de me voir rentrer en pleurant »

La porte s’ouvre. Anissa revient, elle semble apaisée et confie « ça m’aide à parler aussi avec d’autres personnes, ça fait du bien, je pense que ça pourrait s’arrêter, avec ce qu’on fait ici ». De sa petite voix, elle ajoute, pleine de lucidité : « Ça concerne toute ma famille, parce qu’ils sont en colère et tristes de ce que je subis et de me voir rentrer en pleurant ». 

Au-delà du soutien psychologique, la Maison de Marion propose aussi aux parents une aide administrative pour intervenir auprès de l’établissement, une aide juridique lorsqu’ils doivent porter plainte et un suivi quand l’enfant est en décrochage scolaire.

Nora Fraisse, la fondatrice de « La Maison de Marion », a voulu une approche globale : « Cette idée est née du réel, de ce que nous avons vécu en tant que famille, la déflagration. Pour nous c’était beaucoup plus compliqué parce que Marion est décédée, mais il a fallu gérer la fratrie, retrouver son travail. Vous avez entendu ce qu’a dit la famille d’Anissa : on ne dort plus, on se pose des questions en tant que parents, on culpabilise. » Les demandes de suivi qu’elle a reçues ces derniers jours concernent des enfants très jeunes, « entre 6 ans et 9 ans parfois, avec un problème de début de dépression », selon elle. « Il faut des professionnels pour les accompagner », dit Nora Fraisse, qui se bat depuis 8 ans contre le harcèlement scolaire.

La Maison de Marion a obtenu des subventions du ministère de l’Éducation nationale, de la région Île-de-France et de partenaires privés. C’est gratuit pour les familles.

Anissa sera suivie autant de temps qu’il le faudra, sa sœur et sa maman aussi

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